Appel à communication

[English version follows]

Brest, 8-10 mars 2017

Médiations apocalyptiques

«When Armageddon takes place, parking is going to be a major problem»,
J.G. Ballard, Millenium People (2003)

Depuis le tournant du XXe au XXIe siècle, la fin du monde est redevenue un sujet privilégié dans les différentes formes d'expression de la culture populaire, par exemple dans les médias sociaux mais aussi dans la fiction, cette dernière s'inscrivant dans un imaginaire de la fin qui fait régulièrement retour aux périodes de crises et tensions ontologiques et épistémologiques. La fin du monde et/ou la fin de l'espèce humaine (qu'il convient de distinguer) sont ainsi revenues sur le devant de la scène dans l'imaginaire collectif, tout comme dans le réel, avec la résurgence de « discours  de  la  fin »  qui  passent  parfois  par  une  rhétorique  de  la  décadence  ou  de  la dégénérescence et peuvent acquérir une dimension politique dès lors que ces discours visent à opposer soi et l'autre, une identité normative et une altérité érigée en spectre menaçant. Au niveau politique, on pense à « l'axe du mal » de George W. Bush et aux discours et croisades qu'il a produits, à la récupération idéologique et politique de la peur de l'autre perçu comme une menace, pouvant mener à la perte de soi telle que Donald Trump ou les idéologies de l'extrême droite peuvent la relayer. On note aussi une contamination médiatique des formes et figures de l'apocalypse dans les espaces liés aux réseaux sociaux et à la culture populaire, qui donnent lieu à un foisonnement linguistique, lexical et médiatique dans lequel l'apocalypse se décline en jeu (« Zombie­apocalypse »), en néologismes et mots valises (avec les suffixes ­geddon ou ­pocalypse, par exemple « trumpageddon »), ou en campagne de publicité autour du dernier film de la franchise Marvel, « X­-Men Apocalypse ».

Après un premier volet consacré à « Formes de l'apocalypse » en mars 2016 à Paris 8, nous proposons de poursuivre notre exploration des figurations/représentations de l'apocalypse, du cataclysme et de son « après », si tant est qu'un « post » soit envisagé/able. Le colloque organisé par HCTI (UBO, EA4249), EMMA (Montpellier 3, EA741) et Transferts critiques et dynamiques des savoirs (Paris 8, EA1569) entend introduire plus spécifiquement la culture de l'écran (Gervais) et la société écranique (Lipovetsky, Serroy) qui sont devenus les signes distinctifs de la période contemporaine. Quels discours et figurations de l'apocalypse et d'une fin éventuelle du monde la société du tout numérique produit­elle ? Quel rôle joue/nt l'/les écran/s et le numérique dans le développement et la diffusion d'un discours de la fin du monde ? Quelle place pour les espaces et les univers virtuels dans cette « mode » de l'apocalypse, où la société transforme la notion marchandise à consommer sans modération?

Il y aurait donc un « marché » de l'apocalypse qui décline à loisir la thématique en parc d'attraction, hashtags liés à la « culture vampire », produits allant de la réalisation d'un « zombie­ cake » aux sites d'annonces de la fin du monde en passant par les reality shows (Fear FactorSurvivor), sans oublier les jeux vidéos et jeux en ligne. Il s'agira donc d'étudier par le prisme des media studies et des études culturelles ce foisonnement linguistique et intermédial qui transforme l'apocalypse en produit d'appel publicitaire, en jeu, en scénario, en espace virtuel. Quel rôle jouent le virtuel et les espaces du numérique dans cette hyper­réalité qui fait de l'apocalypse un objet culturel souvent associé au divertissement et au ludique ? (Hubner, Leaning and Manning ou Weiss and Taylor)

Plus généralement, peut­on penser une spécificité du discours et de la figuration de l'apocalypse dans une société contemporaine où les images sont devenues omniprésentes et où le rapport au temps et à l'espace a profondément muté? D'un point de vue iconographique et iconique, la culture de l'écran a­t­elle une incidence sur les représentations de l'apocalypse et de son éventuel « après »? L'objectif de ce second colloque est en effet d'interroger plus particulièrement le rôle (spécifique?) de l'image dans les discours et les représentations de la fin du monde. Les écrans qui nous entourent de toutes parts contribuent­ils à déréaliser le monde, voire à le faire disparaître sur le mode d'une hyper­réalité (Baudrillard) qui ferait écran ? Introduisent­ils  un  « dispositif » (Agamben) supplémentaire qui tendrait à nous éloigner d'une matérialité du monde ? Cette privation de l'intime (Fœssel) par une société du réseau et du contrôle des données, que dénonçait déjà Orwell dans 1984, semble redevenir d'actualité et réactiver des questionnements collectifs et individuels sur les modes de fonctionnements sociétaux et le contrôle de ces derniers. Ainsi, de Minority Report à Person of Interest, le grand comme le petit écran interrogent la portée politique de notre culture de l'écran et du tout numérique. Ces mutations entraînent­elles une fin de la société et du commun tels que nous les connaissons ? Nous incitent­elles à penser un « post » de la société contemporaine qui s'inscrirait dans une visée plus ou moins dystopique ? Ce « post » implique­t­il par ailleurs une post­ humanité, des devenirs de l'humain qui peuvent s'inscrire dans les spéculations de la SF ou dans un hyper­réalisme de la destruction totale et de la contemplation du néant ? En d'autre termes, est­il même possible de figurer la fin du monde ? Ne touchons­nous pas là à une zone d'irreprésentable ? De ce point de vue, la figuration par l'image introduit­elle une spécificité ? Permet­elle de dépasser l'aporie ? Quelle représentation du temps spécifique la culture de l'image induit­elle ? L'opposition entre temps newtonien et temps janusien (Chassay) opère­t­elle de la même manière pour l'image que pour le texte ? Entre délitement et répétition, l'image peut­elle figurer la fin, et plus spécifiquement la fin de l'histoire si l'on suit la théorie de Flusser ? Quelle rôle joue la sérialité dans ce contexte de représentation d'une temporalité de la finitude ?

Les  propositions  de  communications  doivent  être  déposées  à  l'adresse  suivante  :

La date limite pour faire une proposition est le 30 octobre 2016.


Bibliographie


AGAMBEN, Giorgio, Qu'est-ce qu'un dispositif ?, Paris, Rivages, 2014. BAUDRILLARD, Jean, Simulacre et simulation, Paris, Galilée, 1981
BENOIT Eric & Rabaté, D., Nihilismes ? Revue Modernités, n° 33, Bordeaux, PU de Bordeaux, 2012. CHASSAY, Jean-François et al., Des Fins et des temps, Les limites de l'imaginaireFigura, n° 12, UQAM,  2005.
ENGELIBERT, Jean-Paul, Apocalypses sans royaume, Paris, Classiques Garnier, 2013
ERMAKOFF, C, Fins du monde, Revue de cinéma Vertigo, n° 43, été 2012.
FŒSSEL, Michaël, Après la fin du monde, critique de la raison apocalyptique, Paris, Seuil, 2012. FLUSSER, Vilèm, Into the Universe of Technical Images, Nancy Ann Roth tr.,  Electronic Mediations, vol. 32, Minneapolis, AZ et Londres, GB : University of Minnesota Press, 2011.
FŒSSEL, Michaël, La privation de l’intime - Mises en scène politiques des sentiments. Paris : Seuil, 2008
GERVAIS,  Bertrand,  L'imaginaire  de  la  fin,  Logiques  de  l'imaginaire  Tome  III,  Montréal,  Le
HUBNER,  Leaning  and  Manning  (2015) (eds)  The Zombie  Renaissance in  Popular  Culture, Basingstoke : Palgrave Macmillan ;
JENKINS, Henry, The Wow Climax : Tracing the Emotional Impact of Popular Culture, New-York, NYU Press, 2006.
LIPOVETSKY, Gilles, Jean Serroy, L’écran global : culture-médias et cinéma à l’âge hypermoderne. Paris, Éd. Le Seuil, coll. La couleur des idées, 2007.
Quartanier, 2009.
ROTH, Nancy Ann tr., Into the Universe of Technical Images, Electronic Mediations, vol. 32, Minneapolis, MN, et Londres, GB : University of Minnesota Press, 2011.
SEED, David, Imagining Apocalypse, Studies in Cultural Crisis, Basingstoke, McMillan, 1999. SZENDY, Peter, L’apocalypse cinéma, Paris, Capricci, 2012.
WEISS and Taylor: (2014) (eds) The Cultural Un/Life of ZombiesJournal of Cultural and Religious Theory, 13 (2).