Séminaire La Trace de l'humain




Le séminaire du Centre d’Études Interdisciplinaires du Monde Anglophone (CEIMA) propose à partir de septembre 2011 une réflexion sur la trace de l’humain, tant d’un point de vue conceptuel et théorique qu’ancré dans divers champs disciplinaires tels la littérature, l’art, la médecine, la psychanalyse, la sociologie ou la linguistique. Il s’agira d’aborder les rapports entre la trace, l’empreinte, le vestige, ou toute autre forme d’inscription qui renverrait à l’humain et proposerait ainsi une réflexion sur la nature de ce dernier à partir de ce qui reste après son passage. Le passage révèle-t-il l’ancrage, la trace renvoie-t-elle à la présence et dépit de la matérialisation de l’absence qu’elle représente ? Les travaux du séminaire du CEIMA auront pour objectif de questionner les interactions entre la trace et l’identité humaine, d’un point de vue ontologique, philosophique, politique et esthétique. Quel rôle la trace peut-elle jouer dans la (re)construction de l’identité humaine, dans l’élaboration et l’évolution des notions de sujet et d’individu ?
Pour le descriptif complet et une bibliographie, voir plus bas.


Lieu : Faculté Victor Ségalen, Université de Bretagne Occidentale, Brest

Programme


Séance à venir : 
  • 22 septembre 2012 :
    • Laurence Talairach  (Toulouse, Anglais) : « ‘Shapeless dead creatures, float[ing] in yellow liquid’. Le reste humain dans le roman à sensation » 
    • Paloma Bravo (Université de Bretagne, Espagnol) : « Sur les traces de l’humain : ce que les archives inquisitoriales nous disent sur à propos de l’humanité singulière des témoins et des inculpés » 
  • 19 octobre 2012 :
    • Françoise Bort (Université de Bourgogne, Anglais) : « Du fragment à la trace, du signe à l’indice : chronique d’une disparition, la question de l’humanisme dans les années 30 et 40 » 
    • Catherine Conan (UBO, Anglais) : « “Humanitas infestans“, ou l’humanité affamée dans Tales From the Poorhouse de Eugene McCabe »
  • 23 novembre 2012 :
    • Thierry Hoquet (Université Paris Ouest, Philosophie) : « Nos futurs post-humains »
    • Isabelle Le Corff (IUFM, Anglais) : « La trace de l’humain dans Hunger de Steve MacQueen »
  • 14 décembre 2012, 15h30 :
    • Severine Letalleur (Université Paris Ouest, Linguistique) : « De la main au mot - la trace entre vestige archéologique et intention sémiotique » 
    • Elaine Després (UBO/UQAM, Littérature Comparée) : « Le posthumain descend-il du singe? Proto-humains et atavismes »


Séances passées : 
  • 23 septembre 2011
    • Eléonore Le Jallé (Lille 3, Philosophe) : « L’idée de nature humaine. Autour de Hume »
    • Gaïd Girard (UBO, Anglais) : « Les enfances de l’homme artificiel »
  • 21 octobre 2011

    • François Gavillon (UBO, Anglais) : « La résistance de l’humanité dans The Road de C. McCarthy »
  • 18 novembre 2011
    • Véronique Liard (Université de Bourgogne, Allemand) : « Les traces du conscient et de l’inconscient chez C.G Jung »
    • Luz Zapata-Reinart (UBO, Psychologue) : « Esthétique du symptôme : quand la trace fait signe »
  • 9 décembre 2011
    • Sylvie Crinquand (Université de Bourgogne, Anglais) : « ‘This Living Hand’ : de John Keats à Hélène Berr, la persistance de l’humain »
    • Michael Rinn (UBO, Linguistique) : « Tracer le vide. La chambre à gaz selon Michael Kenna »
  • 13 janvier 2012
    • Pierre Cassou-Nogues (Paris 8, Philosophie) : « La science-fiction de Norbert Wiener »
    • Magali Coumert (UBO, Histoire) : « Le savant et le barbare : des traces archéologiques au discours historique »
  • 10 février 2012
    • Camille Fort (Université d’Amiens, Anglais) : « Suivre l’autre à la trace : éthique de l’indice dans le récit policier »
    • Claire Larsonneur (Paris 8, Anglais) : « La langue d’après : traces de l’humain chez David Mitchell »
  • 16 mars 2012
    • Jean-François Chassay (UQAM, Littérature Comparée) : « Ce qu’il reste de l’humain au XIXe siècle : le diagnostic de Pierre Roux, fou littéraire »
    • Rachel Bouvet (UQAM, Littérature Comparée) : « Des traces éphémères aux lettres du désert »
  • 27 avril 2012
    • Isabelle Boof (Université de Lille 3, Anglais) : « Récits-fantômes dans la post-géographie de l’éternel maintenant: effacement des traces et apophénie dans Pattern Recognition de William Gibson »
    • Laurent Mellet (Université de Bourgogne, Anglais) : « L’intime et l’éthique comme traces résistantes de l’humain dans la littérature britannique contemporaine (J. Coe, K. Ishiguro, N. Farndale) »
  • 4 mai 2012
    • William Stephenson (Chester University, Anglais) : « David Mitchell, Philip K. Dick and the Post-Human »
    • Laurence Dahan-Gaida (Université de Besançon, Littérature comparée) : «  ‘...comme à la limite de la mer un visage de sable’ : images de la fin de l’homme dans la biologie et la littérature du XXe siècle »
  • 1er juin 2012
    • Liliane Louvel (Université de Poitiers, Anglais) « Survivances de l’image : traces et empreintes »
    • Camille Manfredi (UBO, Anglais) « L’art de la trace - et inversement : le Land Art en Ecosse aujourd’hui »
  • 22 juin 2012 (séance doctorants) : 
    • Lucie Bernard
    • Kimberley Page-Jones
    • Néomie LeVourch
    • Elizabeth Mullen




Présentation

Le séminaire du CEIMA propose à partir de septembre 2011 une réflexion sur la trace de l'humain, tant d'un point de vue conceptuel et théorique qu'ancré dans divers champs disciplinaires tels la littérature, l'art, la médecine, la psychanalyse, la sociologie ou la linguistique. Il s'agira d'aborder les rapports entre la trace, l'empreinte, le vestige, ou toute autre forme d'inscription qui renverrait à l'humain et proposerait ainsi une réflexion sur la nature de ce dernier à partir de ce qui reste après son passage. Le passage révèle-t-il l'ancrage, la trace renvoie-t-elle à la présence et dépit de la matérialisation de l'absence qu'elle représente?
La pensée de la trace remonte aux récits mythiques et aux contes, signe que le résiduel, le vestige, sont des éléments constitutifs de la mise en récit des parcours originels de l'humain. Carlo Ginzburg (1980) a introduit la notion de « paradigme indiciaire » en faisant appel à la notion de « paradigme » utilisée par Thomas S. Kuhn dans The Structure of Scientific Revolutions. Le savoir cynégétique du chasseur est aussi ancien que l'humanité : de la Bible à Zadig de Voltaire, le déchiffrement de la trace déclenche le dévoilement par le récit. La trace permet alors, par les figures de rhétorique telles la partie pour le tout ou l'effet pour la cause, de cerner l'humain à partir de la trace laissée derrière son passage. La figure de l'herméneute semble ainsi intimement liée à la mise en récit, qui du mythe au roman policier (Shoshana Felman), tente de remonter vers une origine de l'humain, de définir une identité humaine.
La dimension herméneutique pourra nous permettre d'engager une réflexion esthétique, dans la littérature et dans les arts visuels. La trace, l'indice, le détail peuvent faire sens et se réinscrire dans un corps, un tout, une chaîne événementielle ou langagière qui renvoie à une démarche de reconstruction, de dévoilement en rapport avec l'origine et l'identité. Les ouvrages récents de Ginzburg (Le Fil et les traces, 2006) et de Claudine Cohen (La Méthode de Zadig, la trace, le fossile, la preuve, 2011) témoignent de l'actualité d'une réflexion sur la trace permettant de faire apparaître des paradigmes communs dans des disciplines telles que l'histoire, la philosophie, l'histoire des sciences et l'histoire des idées ou l'esthétique.
Dans les sciences naturelles comme dans les sciences humaines, et, en particulier, la médecine, la trace lue comme un symptôme, permet également d'identifier la maladie ou le trouble et, à terme, d'engager un diagnostic qui peut mener à la guérison. La démarche psychanalytique s'apparente au regard esthétique lorsqu'elle se penche sur la lecture du détail (Naomi Schor, Lecture du détail), et prend en considération l'importance du fragment et du reste qui deviennent signe et engagent une démarche herméneutique, ou bien font écran et occulte ce qui ne doit pas ou ne peut pas apparaître.
Les travaux du séminaire du CEIMA auront pour objectif de questionner les interactions entre la trace et l'identité humaine, d'un point de vue ontologique, philosophique, politique et esthétique. Quel rôle la trace peut-elle jouer dans la (re)construction de l'identité humaine, dans l'élaboration et l'évolution des notions de sujet et d'individu?
Dans le contexte du XVIIIè siècle anglais, la scène de la découverte de l'empreinte dans Robinson Crusoe montre à quel point la trace est le signe par l'absence de la difficulté à saisir l'autre, cette globalité de l'être humain, fait d'ombre et de lumière, à une période charnière de la réflexion philosophique sur l'individu. Le XIXè siècle, période de crise ontologique et épistémologique, où la trace et les vestiges dévoilent des pans vertigineux de l'histoire naturelle et humaine, donne à son tour naissance à des œuvres qui signalent le lien problématique entre l'origine, le passé, le primitif, l'archaïque et le contemporain, l'évolué, la modernité.
Le XXè siècle replace au cœur des débats et de l'esthétique la question de l'humain et du corps soumis aux atrocités de la Shoah, ou à celles qu'engendrent les multiples conflits qui caractérisent ce siècle. Que reste-t-il de l'humain dans un contexte où une vision globalisante de l'homme l'écarte de plus en plus de la scène? Quelle place pour la mémoire et l'Histoire dans un contexte qui nie le subjectif et l'individuel? Le post-modernisme et son esthétique du fragment, de la déconstruction, sa remise en question des « grands récits » (Lyotard) pourra introduire une réflexion plus contemporaine sur la trace de l'humain. Les interactions entre post-modernisme et fiction historiographique ont en outre mené à des questionnements sur la capacité même du récit historique à atteindre vérité et objectivité. C'est implicitement le rapport du texte de fiction à la vérité qui est ainsi posé mais aussi celui qu'entretient l'historien avec cette dernière. La trace nous mènerait ainsi vers une réflexion sur notre « présence au monde » (Ginzburg, Le Fil et les traces, Verdier, 2010).
La persistance de l'humain dans nos sociétés contemporaines pourra aussi être abordée par une réflexion sur l'intime, le rapport de l'être humain à son intériorité, à ces espaces intérieurs qui pourront être déclinés sur le mode du divin, du spirituel ou de l'introspection. Entre singularité individuelle et expression d'une episteme, la trace de l'humain renvoie à une double perspective, celle de l'être et celle de l'espèce.
Les pensées critiques et philosophiques de Jean-Luc Nancy, Jacques Derrida (les théories du signe) ou Alain Badiou permettent de repenser la question de la trace de l'humain au sens d'un imminent effacement, des fins de l'homme. La troisième révolution industrielle, celle de l'informatique et des bio-technologies, a, de même, replacé la question de l'humain au centre de tensions éthiques, morales et philosophiques dont l'art se fait le porte-parole. La trace devient alors l'ultime signe d'une présence de l'humain sur le point de se désintégrer, de disparaître dans le global, d'être réduit au néant qu'il a lui-même engendré. Des origines aux confins de l'humain, ce séminaire tentera donc de se saisir du sujet humain et d'étudier par le motif de la trace les lignes de fuite et les perspectives qui peuvent (encore) être le signe d'une résistance de l'humanité.
Bibliographie
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COHEN, Claudine, La Méthode de Zadig, la trace, le fossile, la preuve, Paris, Seuil, 2011.
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GINZBURG, Carlo, Le Fil et les traces, vrai faux fictif, Paris, Verdier, 2010.
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